morlagorg en retard

Le prince se lécha les babines d'avance. Il entreprit ensuite de chatouiller Silas et se battit gentiment avec lui durant l'espace de quelques dixaines de minutes. Puis un gros gargouillement de son ventre manifesta sa faim.

" Nous somme déjà au crépuscule... Ciel... Que le temps passe vite. "

Il resta absent un moment avant de déclarer qu'il allait manger. Il attrapa Silas dans ses bras et sortit en silence de la pièce. L'auberge était à l'étage en dessous. Il s'installa à une table en bon état et déposa le gamin à côté de lui.

" Servez nous ce que vous avez de meilleur... Et deux chopes de bière. "

Il se plongea dans ses pensées.

Silas aussi réfléchissait... Il avait bien profité de ce moment de détente et ne pouvait pas attendre plus longtemps, sa mère ne pouvait pas attendre plus longtemps. Il leva sa petite frimousse et regarda Elendhal intensement.
Finalement, il prit parole.

- Doit-on vraiment attendre demain matin pour partir ?

Il ne tenait pas à révéler la raison de son empressement, quelque chose lui disait qu'il ne valait mieux pas en parler au prince.

- Le peuple a faim, plus vite nous le nourrirons, mieux ce sera et il vous apprécira. Il vaudrait mieux profiter de l'humidité de la nuit, la terre sera plus facile à cultiver !

L'enfant jeta un regard vers le nymphe, comme s'il attendait une quelquonque aide de celle-ci.

Le prince fixa le gamin d'un air absent. Il réfléchit à la proposition du gamin mais ne sembla pas très enthousiaste. Il avait envie de refuser et il avait ses raisons.

" Contente toi de dîner. Nous partirons de bonne heure si le coeur t'en dis mais nous passerons la nuit ici. "

Son ton fut si sec à la fin de sa phrase qu'il ne permettait aucune discution ou négociation. Il vida une chope de bière et laissa le gamin en s'éloignant d'un air maussade. Il sortit par la porte qui donnait aux écuries.

Haydée les avait suivis sans grande conviction. De toute manière, elle n'aurait pas pu se sentir plus étrangère, alors, dans la pièce sombre ou au beau milieu de l'auberge...

Elle regardait vaguement l'endroit et se rendit compte qu'elle n'éprouvait absolument rien. Ce n'était pas du dégoût ni de la colère, mais plutôt une sorte de faible lassitude. Immobile et droite, elle aurait presque pu faire parti du décor... Enfin, non, pas vraiment. Même dans cet état d'inactivité à la limite de l'abattement, il émanait d'elle quelque chose de surnaturel et mystérieux... Quelque chose qui la rendait supérieure, au dessus de toute cette misère humaine.

Pourtant, les paroles de Silas attirèrent son attention, et, voyant le regard que le petit garçon lui lançait, elle allait l'approuver, mais le Prince fut plus rapide. Devant son ton qui ne permettait aucune réplique, elle fut figée, et aucun son ne passa la barrière de ses lèvres.
Quand il fut parti, elle regarda Silas d'un air désolé.

- Je suis d'accord avec toi, murmura-t-elle,. Plus vite nous aurons fini, plus vite la population irra mieux... Mais la nuit ne change rien à cela. Peu importe la qualité de la terre... Je pourrai la rendre cultivable.

Elle observa l'enfant encore un moment, avec l'étrange sentiment qu'il avait d'autres raison que le bien de la population, pour vouloir se dépêcher...

Silas posa les yeux sur sont diner.

- En fait... je cherche quelqu'un.

Il releva ses grands yeux gris vers la nymphe. Elle semblait si farouche mais pourtant l'enfant se sentait confiant en s'adressant à elle. Il avait l'impression qu'elle, elle pouvait comprendre.

Un mouvement vers le fond de la pièce lui fit tourner la tête, il la ramena bien vite vers Haydée, ce qu'il y avait au fond de la pièce, lui seul pouvait le voir.

Elle fut surprise que le petit garçon lui dise cette autre chose, cette motivation qu'il avait de vouloir en finir...
Le pauvre n'avait peut-être pas choisi la meilleure confidente ! Elle qui ne voyait jamais personne...
Pourtant, elle aurait vraiment voulu l'aider.

Plongeant son regard émeraude dans le sien, intensément gris, elle demanda :

- Et puis-je savoir comment espères-tu trouver cette personne ?

Tout seul, elle ne voyait pas ce qu'un petit garçon pourrait faire.
Peut-être le sous-estimait-elle ?

Elle aurait bien aimé savoir aussi qui était cette personne, mais son interlocuteur tourna tout à coup la tête.
Elle regarda dans la même direction que lui, mais ne vit absolument rien...

L'enfant haussa les épaules. Il ne savait vraiment psa comment retrouver l'homme qu'il cherchait, cette terre était si grande et il avait peut être même quitté Djaam. Sa mère lui avait dit qu'ils étaient tout deux originaires d'une autre terre, au dela de la mer.
Tout en regardant Haydée sans répondre, il percevait les mouvement du fantôme, celui-ci était plus agité que ceux qu'il avait vu auparavant, pas aggressif mais agité. Ses membres décharnés s'agitaient en tout sens et ses orbites sans yeux semblaient chercher quelque chose.
Silas frissona. Il détourna une seconde fois le regard de la nymphe pendant quelques instants.

Après quelques secondes, il revint à Haydée.

- Je ne sais pas, répondit-il simplement.

Le ton était tout de même grave, il ne cherchait pas un simple marchant de jouets.

Elle se demandait ce qu'avait le petit garçon à fixer le fond vide de la pièce.

Quand il se décida à la regarder de nouveau, elle sourit vaguement, mais se mit à regarder l'endroit sombre avec plus d'attention, quoiqu'elle n'y trouvait toujours rien à regarder.
Ce que son jeune interlocuteur dit l'attrista un peu, d'autant plus qu'elle ne pouvait rien faire pour l'aider.

Elle le regarda et lui adressa un sourire désolé.

- Je ne te serai d'aucune aide... Tout ce que je sais faire, c'est régénérer des plantes, ou discuter avec les arbres !

Etrange que l'orgueilleuse dryade parle ainsi d'elle-même...
Peu importait. Elle était inutile à l'enfant, et c'est tout ce qu'elle voyait.

Silas hocha la tête.

- Pourtant il ne passe pas inaperçut...

Il savait que peu de personne appréciait l'homme qu'il cherchait, mais peu le connaissait vraiment. Or, la dryade disait ne pas voir beaucoup de monde, il ne risquait donc pas de s'atirer l'hostilité de celle-ci en évoquant son père.

- C'est un grand guerrier... il chevauche un grand cheval noir ailé.

Tout en parlant, l'enfant jeta un coup d'oeil nerveux en direction du fantome, celui-ci s'était rapprochait et murmurait des paroles sans sens.

*Va-t-en ! Laisse moi tranquille !!*

Silas avait beau savoir que ceux-ci ne pouvaient rien contre lui physiquement, il était toujours mal à l'aise en leur présence, ils lui rappellaient des souvenirs noirs et lui faisaient voir des choses dont ils ne se souvenait même pas, qu'il n'avait peut être même jamais vu...
L'image de sa mère en train de se décomposer lui apparut, cette scène qu'il avait vécu quelques jours plus tôt... il en gardait un souvenir effrayant. Et ces paroles...
L'enfant palit, il se sentait soudain si seul, si différent des autres... Pourquoi était-il le seul à les voir ? Il le savait...
De grosses larmes roulèrent sur ses joues pâles.

Silas tourna la tête, tremblant, pour que la dryade ne le voit pas pleurer, ce n'était pas digne d'un guerrier, aussi jeune soit-il.

Elle sourit vaguement, le regard toujours perdu au fond de la pièce.
Portant, à la seconde réplique de l'enfant, elle le regarda de nouveau.

Un grand guerrier...
C'est alors que l'épisode de la forêt lui revint à l'espirt.
Elle était assise sur un chêne absolument magnifique, le vent chuchottant de douces paroles, les oiseaux... Mais là n'est pas la question ! Assise, donc, sur une branche élevée, quand un bruit, en bas, avait attiré son attention. Un homme se trouvait en bas, un longue épée à la main. Il n'avait pas l'air commode, d'ailleurs... Mais il s'était ensuite précipité vers la rivière, qui coulait dans la forêt. Elle l'avait suivi. Là, il y avait un homme. Elle l'avait déjà vu avant... Un brun ténébreux, qui n'avait pas eu l'air content de trouver l'autre en ces lieux. Elle avait bien cru qu'ils se battraient l'un contre l'autre, jusqu'à ce que mort s'en suive...

Elle se demanda si le guerrier était le premier de ces deux individus.
En fait, quelque chose, en regardant l'enfant, lui dit que c'était bien lui qu'il devait chercher. Drôle d'intuition, cependant.

- J'ai vu un guerrier, dans la forêt, il y a quelques jours, dit-elle d'une voix lointaine.

Elle réfléchit un bon moment à cela, si bien qu'elle ne vit pas tout de suite les larmes de son jeune interlocuteur.
Quand elle s'en aperçut, elle resta interdite, figée.
Que devait-elle faire ? Consoler ou ignorer ?
Les histoires des humains étaient vraiment trop compliquées, et le dryade regretta amèrement sa forêt natale...

L'enfant s'empressa de secher ses larmes.
Il tourna ses yeux légèrement rougis vers la dryade, la regarda longuement... Un guerrier dans la forêt ? Cela pouvait, en effet s'agir de l'homme qu'il cherchait.
Après s'être laissé encore quelques secondes pour se calmer, il répondit :

- Co...comment était-il ?

Silas essuya du revers de sa main une petite larme qui continuait de couler. Il voyait les morts, oui, et alors ? Alors... personne ne devait savoir son secret...

Haydée observait l'enfant avec tristesse.
Le voir ainsi lui faisait de la peine.
C'est pour cela qu'elle essaya de se rappeler de l'homme du mieux qu'elle put.

- Il était plutôt grand, je crois... Il avait des cheveux blonds, ou châtain clair, et des yeux bleu, peut-être gris...

La description n'était malheureusement pas sont fort.
Elle finit par soupirer, puis se demanda si elle devait lui parler de l'autre homme.
Après une courte hésitation, elle se dit qu'elle le pouvait.

- Il y avait un autre homme, dans la forêt. Ils se sont vus, et le deuxième s'est jeté sur le premier... Il l'a appelé "cousin".

Elle regarda son jeune interlocuteur, comme pour savoir s'il comprendrait cela mieux qu'elle.

L'enfant pencha la tête sur le coté, fronçant les sourcils. La description n'était pas précise mais il était quasi sûr qu'il s'agissait d'Iname.
Il hocha doucement de la tête.

La dryade évoqua alors un autre homme. Celui-ci lui était inconnu... Et son père l'aurait appelé "cousin" ?
On ne lui avait jamais parlé de cet homme...

- ... Je... non, je ne connais pas le deuxième... Mais le premier, je crois que c'est bien l'homme que je cherche.

Pourtant, cette histoire l'intriguait...
Tout en réfléchissant, il perçut des murmures... IL était toujours là. Une boule se forma dans l'estomac de l'enfant. Il repensa à sa mère à ses paroles. Et là, ce fut comme un éclair.

- ...!!!!! SI ! Je sais d'où il vient, s'écria Silas.

Tout excité par sa découverte, il se força à se calmer avant de continuer.

- Il vient de Tyela, là d'où viennent mes parents !

*OUPS !!!*

Le dernier mot venait d'indiquer ce que représentait pour lui l'homme qu'il recherchait.

Elle l'écouta attentivement, scrutant son petit visage de son regard vert.
Il parut réfléchir un moment, avant de sortir tout content de ses pensées.

Sa dernière réplique interpela la dryade.
Pourtant, il lui semblait qu'il aurait préféré la garder pour lui...

- D'où viennent tes parents... Tiens tiens... Et tu comptais me dire que tu cherchais simplement "un homme" ?

Elle lui sourit, pour le rassurer. Si sa quête était un secret, elle la garderait.

En revanche, savoir qu'il cherchait son père ne fit que l'attrister davantage.
Pourtant, elle ne pouvait pas vraiment le comprendre. Elle avait grandi seule, et n'avait apparement pas souffert de vivre sans ses parents... Apparement...

Silas fit une moue gênée, il aurait en effet préféré garder ça pour lui... Pourtant, la dryade ne sembla nullement farouche, juste un peu triste. Il n'y avait vraiment pas de quoi, pensa l'enfant.
Voyant l'air grave de la nymphe, il crut bon d'ajouter :

- C'est pas très grave, vous savez...

Ses paroles la rendirent encore plus triste.

Pas grave...
Le voir si courageux lui faisait presque mal.
Quel âge avait-il ? Sept ou huit ans, tout au plus.
Il était bien jeune, pour partir tout seul à l'aventure...

Elle lui sourit, mais ne trouva pas grand chose à dire.

- J'espère que tu retrouveras l'homme que tu cherches, murmura-t-elle finalement.

La salle était vaste et parsemée de lumière. La lueur des diverses torches la faisait baigner dans une semi pénombre. L'air était chauffé par la grande âtre où les flammes dansaient. Il y avait de lourdes tables de bois dont celle de l'enfant et de la dryade. Au fond de la pièce, le long comptoir de bois s'élançait dans une obscurité fatiguante. L'aubergiste se tennait là, à essuyer des chopes échancrées. Il ne releva la tête avec son habituelle lassitude que lorsqu'il entendit un homme passer le pas de la porte.

L'étranger était enroulé d'une cape noire usée et salit de poussière. Son visage caché sous une capuche était blême. On ne l'apperçut que lorsqu'il tira sa capuche vers l'arrière d'un coup sec, révélant son nez droit et son regard dur et franc aux rayons des torches. L'aubergiste s'approcha de lui avec une méfiance non dissimulée.

" Vous cherchez ?
- Un refuge pour la nuit. Une chope, un repas... Peut-être...
- N'est-ce pas une soirée bien sombre pour voyager ?
- Ca, monsieur... Je n'ai guère le choix... "

Erramir Vanaark fixa l'homme bedonnant de ses yeux incroyablement gris... Les mêmes que son cousin.

" Il n'y a point de place pour vous, ce soir !
- Mais...
- N'insistez pas ! C'est que j'ai de l'ouvrage !
- Il n'ya presque personne !!!
- Je ne voudrais pas me voir obligé de sévir ! Quitter ces lieux ! "

Erramir voulut insister. Mais on le repoussa vers la lourde porte qui se claqua sèchement devant lui. Il se retrouva dehors. Face au froid. Face au vent. Face au noir.

La dryade fixait toujours le petit garçon, quand la porte de l'auberge s'ouvrit, faisant entrer un vent froid dans la pièce.
Le vent arriva jusqu'à Haydée, et elle fronça légèrement les sourcils, en l'écoutant. Elle ne comprenait pas vraiment. D'habitude, le vent vent lui parlait en quelque sorte, et lui annonçait différents évènements. Mais ce soir, elle ne le comprenait pas.
Un peu étonnée, elle finit par renoncer, et observa le nouvel arrivant.
Elle ne put tout d'abord distinguer son visage, car une capuche le cachait. Mais il la retira bientôt, et la dryade ouvrit grand ses yeux émeraude. Elle venait de le reconnaitre.
Elle le fixa un moment, avant de se pencher vers Silas.

- C'est lui, l'autre homme de la forêt, souffla-t-elle.

Elle entendit vaguement la conversation qu'il eut avec l'aubergiste.
Ce dernier le renvoya, et ferma la porte derrière lui.

Haydée resta un instant abasourdie. Puis elle jugea que la manière dont il avait été jeté n'était pas acceptable, mais, surtout, que le jeune homme pourrait peut-être aider Silas à retrouver son père.
Sans réfléchir plus longtemps, elle se leva, et alla jusqu'à la porte. Elle sortit.

Elle fut prise d'une bouffée de joie de se trouver dehors, et il lui sembla que cela faisait des heures qu'elle n'avait pas respiré.
Néanmoins, elle se concentra sur la silhouette sombre du jeune homme, et s'en approcha doucement.

- Monsieur...

C'est alors qu'elle se demanda ce qu'elle allait lui dire, et ce qui justifiait exactement le fait qu'elle l'ait rejoint.

Erramir avait mal. Ses pieds le faisait souffrir. Il avait traversé tant de contrés et il y avait mis tant de temps ! Et plus il avançait plus le paysage était désolé. Et voilà qu'il se faisait mettre à la porte d'une auberge miteuse sans plus de ceremonie.

Il frissonna. Le vent orageux et cruel lui battait le visage et endiablait les longues mèches de sa chevelure. Il s'appretait à mettre pied à l'étrier lorsqu'une douce voix le retins. Il se retourna, las et dénué de toute méfiance, comme un viel homme harrassé qui n'attend plus rien de la vie.

" Que me voulez-vous donc ? Si votre bouche m'apporte des malheurs ou m'y voue alors taisez-vous sur le champs. Mais si elle vient amicalement peut-être... Pour n'importe quelle raison, je vous de parlez sur le champs et de ne point tarder... Et si tout cela est sans importance, si ma précense vous gêne, si j'ai attaché ma monture à un endroit où il ne fallait pas alors soyez sans crainte, madame ! Je deserte ces lieux et leur inhospitalité. "

Il observa le visage de la dryade sans toutefois la reconnaitre. C'est qu'il avait croisé tant de nouveaux visages ! Il était perdu dans ce monde étranger.

Haydée l'observa un moment de ses grands yeux brillants.
Il avait dû beaucoup souffrir pour en arriver à un tel degré de lassitude.
Toutes les personnes qu'elle avait rencontré depuis quelques jours avaient un but qui finissait par les détruire.
Cela partait du Prince, assoiffé de pouvoir, en allant à Silas, si jeune et esseulé. Et à présent, il y avait cet inconnu, qui, pourtant, attirait l'amitié de la dryade.

Elle ne sut d'abord quoi répondre.
Que faisait-elle ici, face à un jeune homme qu'elle ne connaissait pas, mais qu'elle venait tout de même de retenir ?
Elle-même n'aurait su le dire. Pourtant, il fallait bien répondre, à présent.

- Je ne cherche en rien à vous blesser, ni même à vous faire du mal. L'ennui est encore que je ne saurais comment vous aider... Je vous ai déjà vu une fois, et je... Je ne me comprends pas moi-même. Et j'ignore ce qui m'a poussée à venir... L'aubergiste a été si cruel... Mais je vais vous mettre en retard, peut-être ? Ah ! Pardon, mieux vaut que vous m'oubliez...

De toute manière, elle ne pouvait pas avoir l'air plus stupide [tiens, cela me rappelle un autre personnage de ma connaissance ^^].
Elle voulut ensuite lui demander, pour Silas, si l'autre homme qu'elle avait vu dans la forêt était son père, mais quelque chose la retint.
En même temps, elle n'arriva ni à faire demi-tour, ni à détourner le regard, ce qui fait qu'elle resta figée, immobile sous la pluie, à fixer le jeune homme qui n'allait probablement pas tarder à l'étrangler, lassé de son étrange comportement...

Silas se retrouva seul, une fois de plus. Il avait suivit la dryade du regard, jusqu'à que cette dernière sorte. Il n'avait pas bien vu le visage de cet homme, celui qui, peut être, pourrait l'aider à retrouver son père.
Il attendit quelques instants puis décida de sortir à son tour, et de juger par lui même.

L'enfant entrouvit la porte de l'auberge et se faufilla par la maigre ouverture lumineuse. Il se cacha dans l'ombre, pour ne pas déranger la dryade et l'homme. Ce dernier semblait abattu, exténué. Mais malgré ces signes qui le vieillissaient, l'enfant n'eut pas de mal à voir en lui des ressemblances avec Iname. Il avait les même yeux, un visage presque identique...
Silas en resta un instant stupéfié et, dissimilé derrière un tonneau, il n'osa sortir de sa cachette, ne sachant pas comment s'annocer à cette personne qui semblait si lasse.

Erramir se sentit vide un moment. Le vent courrut le long de son visage et il apprécia cette carresse avec résignation. Il ne put, l'espace de quelques instants, que se taire et fixer le sol devant lui. Mais se reprennant, il plongea son regard gris orage dans celui de la dryade et lui répondit avec une grande douceur, qui ne renfermait plus une once de lassitude, comme s'il avait été revigoré par les paroles amicales de la belle.

- Pardonnez moi cette franchise, c'est que je ne sais guère où je suis ni où je vais... Vous ne voyez sous mes traits qu'un ancien général aguerri par les malheurs qui s'abbatent sur lui et je vous prie d'accepter mes plus plates excuses car, si ce que vous dîtes est vrai, je n'avais aucune raison de m'armer ainsi de méfiance à votre égard.

Il risqua un sourire.

Son attention fut attiré par un bruissement répété dans les maigres fourrés, là bas, à l'ombre de l'auberge. Il ne tira pas son épée mais ne put s'empecher de porter la main au pommeau.

- Qu'est-ce donc encore ?

Il s'approcha avec lenteur, écarta les faibles branches qui gênaient sa vue et son oeil vif et perçant tomba sur le jeune Silas, entremélé dans les branches presques mortes, qui se débattais le plus discrètement possible avec des ronces denses qui avaient emprisonées ses bras et ses jambes.
Il ne put se retenir un rire franc et se pencha avec douceur devant la petite bête effarouchée.

- Tiens ! Libère toi...

Il lui tendit une lame bien aiguisée, et l'aida avec une autre. Pendant qu'il tranchait les bras cruels de la plante, il adressa la parole à l'enfant.

- Que venais tu faire là... Ce n'est pas prudent ! Ces terres sont bien trop désolées pour être aptes à des jeux ! Trouve donc un bois, une forêt. Les buissons y sont plus moelleux et la ronce ne pousse pas avant les sous bois.

Il n'attendit pas de réponse de l'enfant et n'en obtint pas de tout manière.

- Prend garde ! Ta botte risque d'être percée si tu remue encore comme tu le fais...

La dryade écouta le jeune homme, et fut soulagée.
Son ton doux et son regard gris sombre -le même que Silas, remarqua-t-elle- finirent de l'enchanter, et elle lui accorda son amitié, sans qu'il ne lui demande rien.

- Je ne vous en ai jamais voulu de vos paroles. Je vous comprends, car je me sens moi-même perdue, depuis quelques temps.

Elle allait continuer, mais, face au léger sourire de son interlocuteur, elle ne trouva rien à ajouter.
Elle fut même très heureuse d'entendre du bruit derrière elle, car cela lui permit de se détourner.
Quelque chose bougeait dans un buisson de ronces, près de la porte de l'auberge.
Son compagnon réagit le premier, et alla dégager quelques branches, découvrant Silas qui se débattait.
Le voir la fit sourire, mais ce sourire se glaça sur ses lèvres lorsqu'elle vit les lames trancher les branches de la plante.
Elle s'approcha d'eux à grands pas, le coeur serré.

- Ne les coupez pas, je vous en prie, dit-elle précipitement.

Elle arriva près d'eux, et s'agenouilla. Là, elle sourit à Silas pour le rassurer, et supplia du regard le jeune homme de ne plus se servir de son arme. C'était plus fort qu'elle, elle ne pouvait pas voir les plantes agoniser.
D'une main, elle chercha le pied de l'arbuste et l'entoura de ses doigts fins.
Instantanément, les branches qui retenaient Silas se défirent en ondulant lentement.
La plante n'était pas morte, mais c'était comme si. Haydée décida de lui donner une nouvelle vie, moins ingrate et plus noble que la première : les branches se redressèrent, le pied grossit et s'allongea, formant finalement un tronc. Le buisson devint arbre majestueux, mais pas n'importe quel arbre : un pêcher. D'ailleurs, il portait sur ses branches quantité de fruits sucrés et mûrs. La dryade se leva, et observa son oeuvre, satisfaite.
Elle donna ensuite une pêche à chacun de ses deux compagnons, un sourire malicieux sur les lèvres.

Silas regarda l'arbre, ébahit. La dryade avait un pouvoir fabuleux !! Il prit la pêche que Haydée lui tendit mais ne su trop quoi en faire; cet arbre était surement magique et il ne savait pas si il devait manger le fruit ou non. Comment la dryade réagirait-elle ?
Il reporta son regard sur l'homme qui l'avait tiré des ronces, le fixa longuement. Etait-ce lui ? Pouvait-il l'aider ?

Erramir souria à la dryade puis fixa les branches mortes de la ronce, malheureuses victimes d'un sauvetage trop hatif.

- Je suis navré si mes gestes vous ont déplut... La ronce est une plante qui me semble parasite. C'est bien les races de cette nature qui font le plus de dégats...

Il mordit avec douceur dans la pêche et la savoura avec autant de délice que le festin d'un roi. Il n'osa l'avouer mais il n'avait rien avalé depuis la veille. Rien ne put trahir sa famine aux yeux des deux êtres. Il reporta son attention sur le gamin en enlevant l'épicarpe de ses dents blanches et en sentant le jus sucré et légérement acide du fruit. Il ne manifesta guère autant de méfiance que Silas, mais son estomac ne le lui permettait pas et il n'avait plus rien à perdre.

- Et bien... Je n'abuserais pas plus de votre temps, ni de vos présents, pas même de vos ronces.

Il fit un sourire, s'inclina légèrement devant eux et monta sur son cheval.